LA PSYCHOLOGIE DANS LA VIE QUOTIDIENNE

Publié le par Dr Régis Viguier

     
 
 
 

AVANT-PROPOS

 
 
     On trouvera dans ce bloc-notes un ensemble de remarques, soit inspirées directement par l’actualité, soit par certains aspects de la mentalité collective actuelle que reflètent les faits de société. Ces remarques s’appuient sur les acquis de la psychologie, en général et de l’anthropologie analytique plus particulièrement, tels qu’ils sont définis dans Le Paradoxe humain, de Régis Viguier, L’Harmattan, 2004.

 

 
      1- Importance de la psychologie dans la vie humaine    
 
 
Mais, auparavant, pour bien comprendre la démarche qui est la nôtre, il faut reconnaître à la psychologie une place centrale. En effet, le psychisme est présent chez toutes les espèces animales, mais son importance croît avec la place de l’espèce dans l’évolution. C’est d’ailleurs cette croissance du psychisme qui détermine en partie la place d’une espèce dans l’échelle de l’Evolution. Et c’est avec les primates qu’il apparaît nettement et c’est chez l’Homme qu’il atteint le maximum de croissance. Parce que le psychisme humain est le plus élaboré parmi les animaux, on peut affirmer qu’il est la spécificité de l’Homme. Le psychisme humain intervient pour chaque acte humain et la psychologie qui en est l’étude et l’observation devient, par le fait même, importante. Il n’est vraiment pas possible d’imaginer une pensée quelconque, un sentiment quelconque ou un geste sans l’intervention de mécanismes psychiques.  
Et pour comprendre ses actes, il faut être attentif à ce qui les motive en profondeur, ce que cherche précisément à faire la psychologie.
Et comment le psychisme ne serait-il pas très important, lui qui exprime la pensée, les sentiments, les émotions, l’imagination, l’intuition, les attitudes mentales et sociales, les souvenirs et les projets ? Tout le comportement, individuel et social est dirigé par le psychisme, suivant certains mécanismes. C’est dans tous les domaines qu’il faut tenir compte de ses mécanismes, en particulier dans ceux où on n’a jamais pris la peine de les reconnaîtr correctement : le monde du travail, la vie sociale et la politique, entre autres. Ces mécanismes, pour peu qu’on prenne la peine de les comprendre, n’ont rien de mystérieux et chacun les connaît, mais on ne pense pas toujours qu’ils existent également chez les autres.

         C’est sur ce premier point que nous allons nous arrêter aujourd’hui.

Toute attitude sécurisante diminue le sentiment de méfiance devant un éventuel danger et nous protège contre du sentiment de fragilité prompt à resurgir dans les difficultés de la vie. C’est une incitation à abaisser les barrières défensives et à entrouvrir son univers personnel à d’autres.
          A l’opposé, toute attitude interprétable comme une menace, une atteinte à sa personne, incite à renforcer ses défenses et à renfermer l’individu ou le groupe dans son monde clos, là où il sera mieux protégé.Répétées trop souvent, ces men aces favorisent l'installation de réactions agressives.  
Toute attitude qui reconnaît la valeur d’une personne, lui évite d’en avoir à montrer la réalité, diminue la nécessité de se mettre en état de défense, encourage les réussites, récompense les efforts pour se valoriser et se développer, et contribue à percevoir les autres comme vraisemblablement non menaçants et accessibles. Elle restreint, partiellement, les difficultés de la vie et prédispose à un accroissement de l’étendue des relations.
Toute attitude qui montre que l’on comprend les autres protège d’une des grandes terreurs humaines : ne pas être compris.
Toute attitude qui favorise une solution aux litiges, compatible avec les intérêts des uns et des autres, réduit la perception que l’autre est un rival potentiellement dangereux dont il faut se méfier, qu’il faut neutraliser et éliminer de quelque manière (tous gagnants ou sans perdants ni gagnants).
Toute attitude qui tend à rassurer et à démontrer que la frustration sera dédommagée, dissuade de recourir à des systèmes de défenses douteux et de trouver soi-même des compensations aux effets imprévisibles et potentiellement dangereux.
Toute attitude qui exprime l’estime et l’amour portés à une personne est porteuse d’espoirs, car rien n’importe plus à un Humain[1] que de se voir aimé, apprécié et désirable. C’est l’assurance de sa valeur. C’est l’incitation à abandonner toute idée de méfiance, de défense et à s’épanouir. Cela constitue la marque indubitable que l’on est reconnu comme quelqu’un d’intéressant, ne serait-ce que dans certaines circonstances. Le “Je suis aimé, donc je suis” est la réplique psychologique du “Je pense, donc je suis”, de Descartes[2]. Car l’amour offre un degré extrêmement fiable de garantie, par la démonstration d’authenticité visible dans l’abandon et la confiance de l’autre et par les liens d’attachement profonds qui tendent vers la fusion et par conséquent par l’acceptation entière de soi par l’autre.
La menace, la remise en cause, l’inaccessibilité à un bien ou une régression laissant supposer un risque de frustration, mobilisent immanquablement les mécanismes défensifs, même si la réaction n'apparaît pas instantanément. Les frustrations s'accumulent lentement pour exploser, dans des débordements  nuisibles aux autres ou imploser, dans une détérioration de l'individu.
La frustration (le manque ressenti comme anormal, injuste et intolérable) entraîne l'envie de la même chose ou d'une compensation. Elle fait naître, à l’égard de celui qui possède “certainement injustement”, le sentiment d’exclusion, la méfiance, la jalousie et l'agressivité et ce, quasi automatiquement. Au contraire, une privation visiblement partagée par tous se supporte plus facilement, car n’apparaît pas alors d’injustice. Elle peut même accroître le sentiment d’égalité devant l’inconvénient.
Toute attitude qui incite à la défense représente un risque aléatoire, car nul ne sait quelle en sera la forme et l’intensité, ni quel alibi elle fournira à la décharge en chaîne de tensions accumulées antérieurement.
L’accumulation de frustrations non assumées peut servir de terreau explosif qui resurgira à l'occasion de nouvelles frustrations, même étrangères au motif précédent dont il multipliera toute la rage qui n’aura pu s’extérioriser auparavant.
Si les autres attendent de nous une attitude quelle qu’elle soit, cela nous prédispose, inconsciemment, à exprimer cette attitude. Il ne faut pas s’étonner, par conséquent, si, face  une attitude négative, par exemple, induit un comportement similaire.
          Identiques dans leurs objectifs vitaux et leurs mécanismes pour y parvenir, les psychismes partagent la triste conséquence de l’étouffement de l’individu par les pressions du milieu et les risques de pathologie qui amènent à des comportements aberrants, à la dépression et à la névrose et au-delà.
 
 
 


[1] Comme aux autres vivants selon les observations faisables sur les espèces dont les expressions sont facilement lisibles.
 
 
[2] Discours de la méthode, 4° partie, (1637).
 
 

Publié dans psychologie

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