PSYCHOLOGIE ET PUBLICITE POLITIQUE

Publié le par Dr Régis Viguier

ARTICLE 6

 

PSYCHOLOGIE ET PUBLICITÉ POLITIQUE.

 

 

 

Le discours politique est une variété de communication. Il n'a pas pour but de révéler une vérité dans la pensée politique, pas plus que la publicité ne cherche à présenter objectivement un produit. Le discours politique ne vise qu'à communiquer ce que l'on veut faire savoir, et ce, d'une manière convaincante.

Ce que l'on appelle technique de la communication comporte deux volets aussi spécifiques l'un que l'autre : informer de l'existence d'un fait, d'une pensée ou d'un projet, et la façon de présenter ce fait, cette pensée ou ce projet de telle manière que l'interlocuteur soit amené y adhérer et à en être pleinement convaincu. La communication, du style publicitaire, joue sur cette ambiguïté. Pour être vraiment persuasif, le communicant est facilement tenté de présenter ses arguments objectifs selon une méthode dont le seul but est de faire croire que l'on a raison, par n'importe quel moyen, tout en restant apparemment dans la sphère du plausible.

C'est ainsi que la publicité argumente pour faire croire. Elle cherche à placer ici, un produit, là un projet, une décision. Elle affirme, sans proposer de preuves et elle affirme d'autant plus fort qu'elle n'apporte pas de preuves. Elle met en avant les avantages et passe sous silence les inconvénients. Elle dénature la réalité pour mieux persuader et emporter l’adhésion. La publicité s'appuie sur nos désirs, nos fantasmes et s'acharne à nous présenter un leurre comme la réalisation possible de vos envies. Elle se contente d'habiller de belles parures un corps inerte et creux.

Pour pénétrer plus facilement les esprits, la communication politique n'hésite pas à utiliser des termes ambigus et volontairement imprécis,
(comme réformes et changements dont le contenu reste dans l’ombre ou peu développé), le double langage permettant de dire à un moment une chose et à un autre moment autre chose, voire son contraire, la langue de bois qui, par le vague des formulations, laisse comprendre à peu près tout ce que l’on veut et qui n’engage évidemment à rien de précis. Dans le discours politique et la publicité, comme dans la plupart des activités humaines, le vrai et l’honnête côtoient le faux et le mensonge, et la difficulté de les distinguer renforce le soupçon que tout n'est pas net et que l’on cherche à leurrer. Et cela ne peut que nuire aux hommes politiques dont les intentions sont honnêtes.

Parce que c'est facile et toujours agréables à entendre, la communication politique fait un abondant usage de promesses qui, malgré la déception des précédentes qui n'ont pas été tenues, laissent s'insinuer un doute positif (Et si cette fois, c'était vrai  ?). Le communicant politique peut tout simplement ne pas y croire ou en envisager vaguement la réalisation au cas où cela serait éventuellement possible sans trop de difficultés, histoire de montrer que l'on est fiable et de généraliser cette fiabilité à toute son action. De toute façon, il pourra toujours compter sur la "triste" constatation que les circonstances, hélas, ne le permettent plus.

La communication politique pense que la confiance peut s'obtenir par des tours de passe-passe rhétoriques. Ce n'est pas possible. Elle ne peut que parvenir à tromper ceux qui sont prêts à donner leur foi sans réfléchir ou ceux dont la mémoire est défaillante et à court terme.

En réalité, la confiance s'établit selon des critères précis.

La confiance ou la méfiance ne dépendent en rien du hasard. Elles dépendent de l'expérience qui montre le degré de véracité des paroles et la cohérence des déclarations avec les actes. C'est cette constatation qui amène à penser qu'un discours est fiable ou non. Et lorsque le citoyen a été échaudé, il ne faut pas s’attendre à ce qu'il accorde aveuglément sa confiance. L’Homme échaudé, comme le chat du proverbe qui craint l’eau chaude, craint aussi celui qui l’a échaudé.

Le discours doit exprimer une pensée nette dans un langage clair où tous les mots ont leur vrai sens. Les déclarations doivent, par l'action passée de l'homme politique, rendre probable la sincérité de l'action future. Cela exclut, logiquement, les promesses d'entreprendre une action que l'on aurait pu réaliser auparavant, mais que l'on a délaissée, par "oubli" vraisemblablement.

Le citoyen doit trouver dans le discours politique des preuves que le candidat aux charges politiques ne cherche que l'intérêt général.

Seule une transparence complète de l’action entreprise et des résultats qui montrent clairement que l’intention s’est accomplie de la manière dont on l’avait dit pourra valider le politicien.

C’est seulement avec de telles règles que peut apparaître la confiance. Alors et alors seulement, on peut se permettre le risque, réduit, mais toujours présent, de faire crédit à la personne, même si cela est invérifiable pour le moment.

Le sentiment de fiabilité peut osciller entre deux pôles opposés : plus ou moins crédible / non crédible. Mais, pour être inébranlable, le sentiment de confiance, comme le sentiment de sécurité auquel il est très lié, doit être complet, total pour entraîner une conviction. L’on a ou l’on n’a pas confiance. De même, le sentiment de sécurité, pour être rassurant, doit être hors de doute. L’on est en sécurité ou l’on ne l’est pas. En fait, tous les sentiments fondamentaux humains exigent cette caractéristique d’absolu ou de haut niveau : ils doivent être incontestables. La confiance pour sécuriser doit être totale. Elle ne peut se débiter en tranches. Car on ne peut ni engager sa foi ni engager sa vie sérieusement sur des probabilités (on vous aime vraisemblablement ; on vous paiera probablement ; ce que je vous avoue est peut-être vrai). Ces sentiments excluent également la relativité du plus ou moins (ma fiancée m’aime plus ou moins ; je crois un peu qu’il a peut-être raison ; là-bas, je serai certainement plus ou moins en sécurité)

C’est cela la confiance. Pour s'en remettre à un Autre, elle doit avoir le moins de doute sur la personne ou l'action. Et elle exige ces conditions dans toutes les relations, surtout quand nos vies ou nos sociétés en dépendent, ce qui est le cas du discours politique.

Est-ce à dire que la nature du discours politique est par nature mensongère? Poser une telle question revient à se demander si l’on peut communiquer, informer et faire partager son enthousiasme pour une idée sans mentir. Certainement, mais pas avec les règles habituelles utilisées par le discours politique tel qu'il s'est instauré et tel que nous l'acceptons.

On ne peut que regretter le peu de crédit du discours politique qui ne provoque souvent qu’indifférence, scepticisme et si on lui a prêté foi, désillusion. La déception est d'autant plus grande que les attentes sont immenses dans la Politique chargée de l'organisation de notre cadre de vie sociale. Mais cela ne peut étonner que ceux qui pensent que la confiance se crée uniquement par l’arrangement des mots et non par la volonté sincère de prendre en charge des besoins des citoyens.

Alors pourquoi y croit-on quand même à ce discours politique publicitaire ? D'abord, on y croit de moins en moins. Peut-être parce que les politiciens ont en vue prioritairement les avantages de leur métiers et qu'ils méconnaissent les attentes des citoyens. Le recours à de telles méthodes de publicité politique pourrait le faire penser. On y croit quand même, parce que l'on n'a pas le choix. Si l'on veut bâtir la société, il faut bien s'adresser à ses charpentiers, même si l'on sait qu'ils ne construiront que la société qu'ils veulent, selon leurs critères.

 

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