RÔLE ET PLACE DE LA PSYCHOLOGIE

Publié le par Dr Régis Viguier

ROLE ET PLACE DE LA PSYCHOLOGIE
 
 
 
 
“Comment expliquer ceci : composés d’une âme et d’un corps, nous avons créé, pour prévenir et soigner les maladies du corps, une science dont nous reconnaissons l’utilité, tandis que la médecine de l’âme n’a pas été autant désirée avant son invention, ni aussi cultivée et appréciée après. Elle n’a pas obtenu la sympathie et l’estime d’autant de gens et elle est même suspecte au plus grand nombre.”
(Cicéron[1], Tusculanes, Livre III)
 
 
 
 
 
Cette réflexion de Cicéron, écrite il y a vingt siècles, n’est certes plus entièrement exacte, puisque les sciences humaines et notamment la psychologie et la psychiatrie se sont développées et ont apporté une contribution remarquable à la connaissance de l’Homme. Mais, dans les faits, les relations qu’établissent les individus entre eux dans leur vie personnelle, affective et professionnelle ne tiennent rigoureusement aucun compte, avant d’agir, du fonctionnement des mécanismes psychologiques, c’est-à-dire des réactions à ses propres actions. Or ces réactions sont, dans une large mesure, prévisibles. Quant à la vie sociale et politique, c’est peu de dire que ces mécanismes sont allégrement ignorés et négligés par les acteurs sociaux qui agissent comme si l’on pouvait faire n’importe quoi avec des hommes. C’est manifestement faux ! Et chacun le sait bien en constatant ses propres réactions aux attitudes des autres. Ce que les autres font ne déclenche pas n’importe quelle réaction. Mais tout se passe comme si ce qui était vrai pour soi ne l’est plus lorsqu’il s’agit des autres.
 
Cette indifférence vis-à-vis du fonctionnement psychique s’explique si l’on considère qu’à aucun stade de l’éducation, on n’enseigne les besoins du psychisme humain et les conséquences de leur négligence qui force à trouver des expédients à chaque situation traumatisante. Les enseignants, eux-mêmes, encore à l’heure actuelle, dont on attend beaucoup dans les relations avec leur public, ne bénéficient d’aucune formation dans ce domaine. Et chacun les trouve comme il peut, selon ses capacités et son expérience de la vie. Dans ce domaine que l’on ne peut pas traiter de secondaire, trouver la manière enrichissante d’exister, chacun en est réduit à des attitudes empiriques. Certes, les différentes recherches en psychologie depuis surtout le XIXe siècle, lui ont donné une petite place dans l’univers intellectuel, mais ce savoir reste théorique ou limité à des sphères de spécialistes. On sait qu’il existe un monde psychologique… mais peu de gens se sentent impliqués et rien dans la vie sociale et politique ne s’y réfère.
 
Pour répondre plus précisément à la question de Cicéron, l’on peut faire remarquer :
 
1) la plus grande performance de l’esprit humain dans le domaine concret où l’appréhension du tangible sera toujours mieux réalisée et par de plus nombreuses personnes que le domaine du complexe et du caché. D’ailleurs, il n’est pas étonnant que la technique se soit plus développée que les idées. C’est ainsi que l’on ne soupçonne pas un autre monde que celui du tangible, assimilé au réel et opposé au subjectif et à l’imaginaire.
 
2) Cette difficulté incite à sous-estimer, voire à nier l’importance, pour l’existence humaine, de la psychologie qui, pour certains encore, reste synonyme d’élucubration.
 
3) Enfin, la perception du monde intérieur reste souvent limitée à des éléments isolés, superficiels qui mènent à des conclusions erronées ou rendent perplexe. La vulgarisation de ses découvertes est souvent même à l’origine de fâcheuses simplifications et d’aventureux malentendus. C’est le cas actuellement, par exemple, du respect de l’enfant qui dégénère facilement en démission des adultes, en dictature de l’enfant et en affirmation effrénée de ses propres droits au détriment de ceux des autres. Et devant l’étrangeté de ce monde, on finit par penser qu’il vaut mieux l’ignorer.
 
Et pourtant, le degré d’évolution du psychisme reflète le niveau d’évolution d’une espèce. Ainsi, le stade plus avancé du psychisme de l’Homme constitue sa spécificité qui le distingue de tous les autres mammifères, et entre autres les primates. Ce psychisme, tel qu’il est, est la source de tout le comportement, de toutes les motivations, de toutes les émotions, de toutes les pensées. Et la psychologie est le seul guide pour décoder les actes humains.
 
Bien sûr, la psychologie actuelle ne repose plus uniquement sur l’intuition et l’introspection bien que celles-ci soient indispensables pour la nuance dans l’analyse. Elle répond à plusieurs critères :
 
1) Elle doit se fonder sur un ensemble de faits sérieux, observables et comparables entre eux.
 
2) Ses hypothèses doivent être conformes aux données de la science du moment.
 
3) Elle doit offrir une explication plus probante et plus globale aux phénomènes étudiés.
 
4) Ses hypothèses doivent être fécondes et permettre une application qui satisfasse. C’est la conviction qu'une démarche théorique ne trouve sa justification que dans la pertinence de ses explications, prouvée par la véracité et la réussite des applications qu'elle suggère
 
5) Elles doivent contribuer à développer au mieux la spécificité humaine : la capacité de réfléchir sur son état, sa finalité, son comportement, son avenir et les conditions de l'amélioration de l’organisation de la vie. La crédibilité d'une théorie en sciences humaines est proportionnelle au respect de ces critères
 
La psychologie est, tout à la fois, une science d'observation, par sa méthode, une connaissance objective, un art interprétatif et une technique d'application des principes tirés de cette réflexion. Son objet, l'Homme, est éminemment plastique, complexe et déroutant.
 
Mais la psychologie se trouve, par la nature même de l'Homme, au centre de sa compréhension. Et se priver d'elle, c'est renoncer à comprendre l'Homme dans ses profondeurs. Le recours à la psychologie s’avère, non seulement indispensable pour sa compréhension, mais il implique son application dans l’organisation de la vie.
 
C'est donc à la psychologie qu'il faut recourir chaque fois que les difficultés de l'Homme n'ont pas pour causes des agents extérieurs à lui-même, à la psychologie bien amarrée au réel, pour pouvoir suivre l'Homme dans ses fantasmes compensatoires sans risquer de s'égarer dans une spéculation oiseuse.
 


[1] 106 avant J-C-46 après J.C.

Publié dans psychologie

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